COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION QUÉBÉCOISE DE DROIT COMPARÉ

 

" Dans la foulée des réformes municipales "

 

 

L=Ontario et la gestion des services locaux
à caractère social : le rôle du secteur communautaire

 

 

Caroline Andrew

Science politique et
Centre d
=études en gouvernance

Université d=Ottawa



le 20 avril 2001

Hôtel Marriott Château Champlain, Montréal  


 

Ma présentation aujourd=hui traite des services locaux à caractère social et du rôle du secteur communautaire dans la fourniture de ces services. Il ne s=agit pas du rôle de l=entreprise privée, mais il s=agit d=une fourniture de services non-étatique, dans ce cas par les organisations de la société civile. Le cas qui me servira d=exemple concret est celui des centres de ressources et de santé qui existent dans la ville d=Ottawa. Depuis le 1er janvier, la ville d=Ottawa englobe l=ancien territoire de la Municipalité régionale d=Ottawa-Carleton qui a été le gouvernement responsable pour le développement des centres de ressources. Je veux décrire ces centres, expliquer leurs origines et leur statut actuel et, surtout, explorer ce qui me semble être les avantages et les inconvénients de ce modèle comme mécanisme de fourniture des services locaux.

Il y a treize (13) centres situés dans le territoire de la Ville d=Ottawa; six qui sont des centres de santé et de ressources communautaires, et sept qui sont seulement des centres de ressources communautaires. Les centres de ressources hébergent des travailleurs et travailleuses de certains organismes provinciaux ou régionaux comme la Société de l=aide à l=enfance, le Service familial catholique, des travailleurs et travailleuses de programmes sociaux de la ville, et ils opèrent, de plus, leurs propres programmes. Les centres de ressources sont gérés par des conseils d=administration et il sont financés par la ville, tandis que la composante santé dans les centres de santé est financée par le Ministère ontarien de la santé. Leurs programmes sont extrêmement variés; les services d=intervention de crise, les programmes d=intégration pour les populations d=immigration récente, les groupes d=entraide, la participation dans les programmes provinciaux de Aworkfare@, les programmes pour les femmes victimes de violence, les cuisines collectives et beaucoup d=autres.

Le système municipal ontarien a deux particularités qui sont cruciales pour la compréhension de ce modèle; le niveau municipal joue un rôle très significatif dans le domaine des services sociaux, et il y a une longue tradition d=utilisation d=un système mixte de services publics et de services privés, surtout du secteur bénévole et/ou communautaire. Le niveau municipal a toujours eu un rôle important dans les services sociaux et ce rôle grandit, surtout avec le gouvernement actuel et ses politiques de décentralisation. Ceci est tout à fait différent des autres provinces où généralement les gouvernements provinciaux sont responsables des services sociaux. Une indication de l=importance de ce rôle en Ontario vient des statistiques pour les dépenses municipales. Pour l=ensemble du Canada, 93% de toutes les dépenses par les gouvernements municipaux pour les services sociaux ont été effectuées par les municipalités ontariennes (4 925.5 millions sur 5 287.2 millions). C=est la plus grande catégorie de dépenses en Ontario et partout ailleurs, ce sont soit les transports, soit l=environnement.

La deuxième particularité du cas ontarien est l=utilisation du secteur communautaire et/ou bénévole. C=est une tradition ontarienne qui s=est maintenue à l=intérieur du développement de l=État providence ontarien. Donc l=utilisation du secteur communautaire n=est pas nouveau en Ontario.

Cette tradition se voit clairement dans les origines des centres de ressources. Les premiers ont commencé avec des statuts communautaires, mais par la suite, certains centres ont été administrés directement par le gouvernement régional de l=époque. Dans les années 80, les centres faisaient partie intégrale du gouvernement régional, mais à partir de 1992, ils ont été * autonomisés + avec leurs propres conseils d=administration.

Le tout premier centre a été créé dans la Basse-Ville d=Ottawa en 1970 dans la foulée de la rénovation urbaine. En plus, les fonctionnaires de la ville avaient compris que la nouvelle législation fédérale de 1966 sur le régime d=assistance du Canada ouvrait des possibilités intéressantes de financement des services innovateurs. Les premiers centres ont été créés dans les quartiers les plus pauvres de la ville, mais par la suite, les quartiers de banlieue ont réclamé des centres de ressources.

Les centres sont incorporés comme associations à but non-lucratif. Ils ont des ententes avec la ville d=Ottawa pour le financement de soutien et ils reçoivent aussi du financement pour les programmes. La ville finance cinq (5) fonctions de base pour tous les centres : la coordination et la direction, le développement communautaire, la gestion de bureau, la réception et l=intervention en cas de crise. En plus, les centres reçoivent du financement pour les programmes. Par exemple, en l=an 2000, le Centre de Ressources de la Basse-Ville a reçu du financement pour deux programmes : un programme conjoint entre le Centre et une école et, deuxièmement, un programme pour les jeunes et les familles de minorités raciales.

Les centres varient en taille, en nombre de programmes et en budget. Ceux qui ont une composante santé financée par le gouvernement provincial sont beaucoup plus grands que les autres. Les directeurs des différents centres se réunissent pour se concerter et pour planifier des actions conjointes, et il y a également une coalition des centres qui réunit des membres des conseils d=administration. La coalition tente d=agir comme porte-parole de ce secteur, mais sa capacité d=action collective est relativement limitée.

Au cours des dernières années, il y a eu des pressions sur les centres pour développer des programmes de levée de fonds. Les centres ont réagi de façon très variée et les résultats, en termes de fonds, n=ont pas été très considérables.

Regardons maintenant les avantages et les désavantages d=un tel système. Tout d=abord, les avantages. Les centres sont très près de leurs communautés et sont donc en mesure de créer des programmes qui répondent aux besoins des différentes communautés. Et effectivement, les programmes varient à travers la ville. Il y a beaucoup de programmes qui visent la population multiculturelle, mais ils sont orientés vers des groupes et des activités différentes, selon la composition de la population dans différents quartiers. Les décisions sur les programmes à offrir sont prises par les conseils d=administration qui comptent une représentation importante des résidents du quartier. Le fait d=être très près des différentes communautés influence les programmes offerts, mais également la façon de fonctionner des différents centres. Par exemple, le Centre de ressources de la Basse-Ville fonctionne en français (quoique les services peuvent être offerts en anglais quand la clientèle est anglophone). Si le centre faisait partie de l=administration municipale d=Ottawa, le cadre bilingue serait plus imposé par la ville.

Tout en offrant flexibilité et adaptabilité, ce système permet toujours une direction par la ville. Le fait que la ville finance les centres de ressources donne évidemment un levier important à la ville. Elle peut décider de donner du financement à une programme spécifique ou elle peut le refuser.

Un autre avantage de ce modèle est qu=il permet d=aller chercher un bon appui politique. La dimension très locale des centres et leur programmation pensée évidemment en fonction des besoins du quartier font qu=ils sont très bien vus par l=élu du quartier, et donc, en général, appuyés par les élus. Même certains des élus relativement conservateurs sont très favorables aux activités de leurs centres et sont donc prêts à voter les budgets nécessaires. C=est donc un modèle qui peut aller chercher des appuis politiques.

Un autre avantage est que l=effort des bénévoles réduit le coût des services offerts par les centres. Les bénévoles incluent les membres des conseils d=administration qui participent à la gestion, et également d=autres bénévoles impliqués directement dans la fourniture des services.

Il y a également des désavantages avec ce modèle. Le désavantage probablement le plus marquant est que la capacité communautaire varie beaucoup selon les ressources des quartiers. Le conseil d=administration du Centre de ressources du centre-ville, par exemple, est beaucoup plus riche en ressources humaines que celui de la Basse-Ville , quartier beaucoup plus pauvre. Le centre du centre-ville a des programmes plus innovateurs et la capacité d=aller chercher des financements supplémentaires.

Une deuxième désavantage est le peu de capacité collective des centres. Comme nous l=avons mentionné plus tôt, il y a une coalition, mais jusqu=à maintenant, la coalition a travaillé presque uniquement sur des questions liées étroitement aux processus de demandes de financement. Et même sur cette question, il a souvent été difficile de trouver une position commune. Cette faiblesse est significative, et peut -être encore plus après la fusion municipale, car les pressions sur les ressources augmentent. Le secteur des services sociaux devraient avoir une voix et le modèle actuel fragmente le secteur et rend plus difficile la représentation des intérêts du secteur.

L=ouverture ou les pressions vers l=utilisation d=une levée de fonds peut également être vu comme un désavantage du système. La capacité de gestion de la plupart des centres est limitée et donc, le fait d=ajouter une activité supplémentaire comme la levée de fonds, implique nécessairement une réorientation d=énergie. Le temps consacré à cette activité, surtout si les résultats sont mitigés, peut s=interpréter comme un désavantage de leur statut autonome par rapport à la municipalité.

La flexibilité et l=adaptabilité des services à des réalités très localisées des voisinages et des communautés spécifiques de la ville me semblent représenter les avantages les plus intéressants de ce modèle. Il faudrait faire une étude détaillée - ce qui n=a pas encore été fait - des différents programmes donnés par différents centres pour pouvoir démontrer cet avantage, et il faudrait tenir compte, non pas seulement des programmes, mais également des styles de direction, des méthodes de fonctionnement et des ambiance différentes entre ces centres. Par contre, les inégalités socio-économiques entres les quartiers combinées aux difficultés de développer des mécanismes compensatoires pour assurer un ressourcement équitable à travers les différents centres, constitue une faiblesse importante du modèle. La ville peut jouer un rôle ici avec son pouvoir de financement, mais je crois aussi qu=il faut renforcer la capacité d=action collective des centres pour pouvoir soulever ces questions. L=orientation très localiste est une force mais aussi une limite pour les centres de ressources et donc pour le rôle du secteur communautaire dans la fourniture des services locaux à caractère social.